Que penser du vote du Sénat ?

10 06 2011

SenatBrève analyse au lendemain du vote par le Sénat d’un projet de loi autorisant la fracturation hydraulique de la roche à des fins « scientifiques ».

Alors que l’objet de la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale était d’« interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et [d’] abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique » (et uniquement à cette technique), le texte voté par le Sénat en réduit encore la portée en assortissant l’interdiction d’une dérogation : « sauf dans le cadre de projets scientifiques d’expérimentation pour évaluer la technique de la fracturation hydraulique ou des techniques alternatives ».

Comme le fait remarquer ici le juriste Arnaud Gossement, avocat en Droit de l’environnement :
« Qu’est-ce qu’un « projet scientifique d’expérimentation » . Tout forage autorisé à la suite d’un permis exclusif de recherche (entendez prospection NDR) par une AOT (Autorisation d’occupation temporaire) ne pourrait-il pas prétendre à une telle définition ? »

En d’autres termes, le Sénat se propose ni plus ni moins d’autoriser la prospection d’huiles et de gaz de schiste par fracturation hydraulique de la roche. Il suffira aux pétroliers de déclarer que les forages en question sont effectués à titre scientifique.

Le sénat (sans le dire explicitement) organise donc la première phase d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels (la prospection), tout en semblant interdire « l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique ».

Une belle opération d’enfumage !

Le texte du sénat prévoit l’organisation d’une enquête publique, spécifique aux « projets d’expérimentations scientifiques ».

Que penser de cet amendement sinon à l’instar d’Arnaud Gossement (ibid) qu’« Ouvrir l’enquête publique à un sujet aussi étroit surprend. Il eut sans doute été préférable de faire basculer les forages d’hydrocarbures en général dans le champ de l’autorisation et donc de l’enquête publique. »

Mais le Sénat s’est bien gardé d’ouvrir la voie à une telle extension qui remettrait en cause le Code minier et son éventuelle révision.

Que deviennent les anciens permis ?

Donnons encore la parole à Arnaud Gossement :
« Difficile de répondre. Rien dans l’immédiat. La loi met en place une procédure totalement originale. Dont la portée est aussi complexe que le sens.
Il s’agit d’une abrogation par la loi, d’un acte administratif, différé de deux mois et conditionné à l’intervention….du bénéficiaire du permis lui-même. En somme, l’avenir des permis exclusifs de recherche dépend de leurs bénéficiaires…  » (ibid)

En d’autres termes, lesdits bénéficiaires disposent d’un répit qu’ils sauront, n’en doutons pas, utiliser pour avancer dans leur prospection en attendant de voir dans quel sens tourne le vent.

Si en 2012 le cauchemar se poursuit et que la majorité actuelle est réinvestie à la suite de la réélection du Président sortant, le boulevard leur sera ouvert, et ils n’auront pas perdu de temps.

Si en 2012 la majorité actuelle est renversée, il sera toujours temps pour eux de faire jouer tous azimuts leurs lobbies et de faire valoir leurs déjà lourds investissements à toute fin de chantage aux dédommagements.

Vincent Pasquier.


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